Social TV : petit état des lieux

La Social TV, ou la télévision sociale est le phénomène qui grandit dans une logique d’évolution de l’interactivité, portée par Internet via les réseaux sociaux depuis le début de leur apparition.

La social TV, éphémèrement sociale, se cherche encore

socialtvUne émission pilote en matière de Social TV en Belgique : MonStory,  la première du genre (dixit) à être présentée (animée) par un community manager et non plus par un animateur classique (ça se voit un peu que ce n’est pas son métier, mais bon).

En réalité, elle n’offre rien de transcendant, elle parle de technologies, et de temps en temps cite un tweet… Le format est assez classique avec un plateau, un public et des reportages.

Le Web, le « digital », est aussi au cœur de la réflexion des chaînes de télé dites traditionnelles. Il était temps car en face, de nombreuses Web TV de toutes sortes se créent tous les jours !

Chez les chaînes TV classiques, deux tendances se sont dessinées :

  • d’une part, la création d’infos et de programmes uniquement en ligne ; c’est ainsi qu’à travers culturebox, nous avons pu continuer à voir l’émission Des mots de Minuit, France Télévisions ne pouvant la garder au programme classique, faute d’audience. Le numérique, plus souple (= moins coûteux), s’est révélé utile pour ne pas voir disparaître totalement ce type de rendez-vous culturel de qualité ;
  • d’autre part, le couplage tv et web avec un réseau social comme simple lien ou véritable partenaire. Les émissions classiques s’activent ainsi, via Facebook, Twitter, et leur blog. Si l’émission est en direct, un appel à réaction est souvent lancé au travers d’un hashtag.

Le cas de « J’irai dormir chez vous »

Depuis quelques semaines, à partir de l’émission de voyage, créée et animée par Antoine de Maximy, l’idée a été d’impliquer les internautes en direct, à la fois à la télévision et sur Internet (où la suite de l’émission peut être vue).

Le format TV classique, très formaté, ne permet pas en effet de passer un temps long sur une expérience. Le relais Web a été en cela une ouverture, mais qui n’est pas encore exploitée à sa mesure. Sauf peut-être concernant la création de webséries.

L’expérience de « J’irai dormir chez vous » dans une ville française est-elle réussie ?

Les premiers « épisodes » ont fait plutôt une bonne audience, sans doute celle des fidèles de l’émission couplée aux curieux.

Limites : le problème sont les gens qui se précipitent sur lui pour être vus et/ou faire un selfie. C’est pathétique et pénible pour le téléspectateur chez qui cela peut créer une frustration.
Au final, on n’apprend rien sur la ville, culturellement parlant (même si le seul but de l’émission est de dormir chez quelqu’un le soir venu).
Antoine doit faire face aux interlocuteurs qui l’abordent dans la rue en même temps qu’écouter son oreillette, derrière laquelle une personne relaie a priori ce qui se tweete.

Mais en suivant la timeline sur Twitter, en même temps que l’émission, on ne trouve pas toujours un retour qui coïncide. Les avis sont souvent médiocres, chacun ramenant son ego.

De plus, le choix d’un hôte pour le soir, très subjectif, est de toute façon validé par l’équipe en régie (basée à Paris). L’idée en elle-même est sympa, mais sur le terrain, ce n’est pas toujours évident du fait même de ces piétons qui l’arrêtent sans arrêt en le reconnaissant (il ne passe pas inaperçu), voire qui vont jusqu’à le suivre comme des petits chiens.

Est-ce pour cette raison que pour l’émission interactive du 10 octobre, il a préféré se rendre à Namur en Belgique ? Pour le coup, le vide sidéral, personne dans les rues un samedi à 17h… Gris et triste.

On y trouverait peut-être un intérêt sociologique à voir partout les mêmes magasins, les mêmes bagnoles, les mêmes réactions, et ces badauds courant vers l’animateur « pour passer à la télé ».

Face aux jeunes téléspectateurs multitasques, les chaînes de télévision sont souvent en retard. On sent bien qu’elles tâtonnent. Même si, évidemment, chaque émission a maintenant son hashtag et ne manque pas de le rappeler aux téléspectateurs afin qu’ils réagissent.
Des sondages d’opinion sont même créés par ce biais.

Cette information intéressante montre un sondage « que faites-vous quand vous regardez la télévision ? » : il semblerait que 44 % s’occupent sur leur réseaux sociaux, 23 % cherchent une info liée au programme qu’ils regardent, 12 % donnent leur avis sur le programme, et enfin 10 % interagissent avec le contenu digital du programme.

À noter dans cet autre sondage, que 85 % des gens qui surfent sur leur réseau social en même temps qu’ils regardent la télé, le font sur Facebook.

La Social Radio

On parle beaucoup de « social tv », mais se développe également largement la « social radio », peut-être plus simple sur un plan logistique.

Mais quelle que soit la radio, le nom des réseaux sociaux est de moins en moins prononcé – et très rarement sur le service public censé ne pas faire de pub : le hashtag suffit à indiquer aux auditeurs l’interaction possible sur l’événement en cours ou à venir, grâce auquel l’invité-e pourra répondre aux questions en direct.

Mais, tout comme via le standard téléphonique d’une station, une personne est préposée au filtrage. Car il faut bien choisir une question parmi tout le flux posté. Un community manager s’en charge en principe.

Du coup, les deux seules différences par rapport à d’habitude sont :

– premièrement que les autres questions – non relayées en direct – peuvent être lues sur la timeline du hashtag en question ;

– deuxièmement que l’invité-e répondra éventuellement à certains Twittos après l’émission, donc en dehors de celle-ci, du moins si cette personne est présente et active sur lesdits réseaux…

Mais : de toute façon, cela se fait même en dehors de toute émission. De plus, les auditeurs radio non inscrits sur ces réseaux (si, si, ça existe)  ne verront pas ce second échange post-émission, où d’ailleurs l’invité-e questionné-e répond parfois mieux, en allant plus loin qu’à la radio.

Ce second moment d’interaction, libéré du timing réducteur imposé par les émissions, est souvent plus intéressant en ce qu’il crée aussi des échanges entre les internautes eux-mêmes.

C’est là que la notion de « Social » revêt tout son sens.

Via Internet, les radios (comme les télévisions qui ont leur « pôle numérique » pour proposer autre chose en ligne) interpellent directement les auditeurs – ou plutôt les internautes, même ceux qui n’écoutent pas la radio du coup. Là, tous les moyens sont bons, et sont souvent ludiques.

Par exemple, sur France Inter, le 20 octobre, Bernard Pivot (twitto comptant un paquet d’abonnés) est annoncé pour répondre en direct aux questions accompagnées du hashtag #pivotinter. Cette interactivité a pour cadre événementiel le prochain prix Goncourt. Cette radio, comme ses consœurs, s’est mise à faire des chats réguliers sur Twitter en présence d’une personnalité.

Ici, le format n’est pas celui d’une émission radio, mais un rendez-vous créé en dehors, directement via la plateforme Twitter (mentionnée parce que utilisée comme véritable partenaire), et bien que cet échange ait lieu dans les locaux de la station en question. C’est le plus souvent le ou la chargé-e du numérique qui s’y colle. Ces derniers sont parfois aussi journalistes.

Citation du jour :
TweetMD
Ce type d’interactivité directe se fait de plus en plus et apporte un bonus à une radio qui en est à l’origine. Mais là encore, la notion de « social radio » devient obsolète, puisque tout se passe sur le réseau. Sans compter que les radios, avec leurs caméras en studio qui filment tout, deviennent finalement à leur tour une forme de télé.

À noter que, même si une émission de télé ou de radio n’utilise pas directement une interactivité digitale dans son format, rien n’empêche les gens de réagir, commenter, voire critiquer sur les réseaux, en parallèle, avec un hashtag adapté bien sûr. C’est même devenu la grande tendance depuis quelques années. Les internautes adeptes des réseaux ne se font pas prier.

La question des séries 

Qui regarde encore les séries directement sur un poste de télévision à l’heure programmée par les chaînes elles-mêmes, souvent d’ailleurs de manière anarchique ?

La liberté est de pouvoir voir comme on veut, quand on veut. C’est le plaisir du « spectateur-consommateur ». On trouve facilement d’avance tous les épisodes d’une série en streaming pour les impatients. Et sur les réseaux, les fans échangent énormément.

Quant à ceux qui n’ont plus de poste de télévision depuis longtemps (votre serviteur), les replay sont bienvenus, même la nuit. La curiosité l’emportant, il est certain que l’on regarde rapidement a posteriori (sur Twitter en ce qui me concerne) les commentaires éventuels survenus en général au cours de la diffusion de l’émission.

Mais tweeter en direct en regardant une vidéo est en revanche une chose que je ne peux me résoudre à faire. On est concentré ou on ne l’est pas, et quand le film ou le documentaire est intéressant, je n’ai guère envie de perdre une seule image ou propos.

Autre phénomène, pris en sens inverse, est la création de séries uniquement sur et pour le Web, des webséries dont on dispose aujourd’hui à profusion. Qu’elles soient à petit ou moyen budget, les histoires, les thèmes sont de toutes sortes. Les tournages se multiplient partout et régalent notamment les plus jeunes qui ont déserté depuis longtemps le poste de télévision du siècle dernier. Cela devient de la web tv…

Web TV : bien plus qu’une tendance

Le phénomène explose. Nous avons à disposition des tas de chaînes, non plus généralistes, mais focalisées sur un thème précis : ainsi, Ouatch.tv pour l’info high tech ou encore Terre.tv pour l’environnement et l’écologie. Toutes archivant bien sûr leurs vidéos en replay.

Simples, souples, créatives, faciles à regarder. Locales, régionales, nationales, elles touchent tous les domaines, tous les univers. Chacun y trouve son compte. C’est le nouveau format idéal pour diffuser ses créations, même si on a un budget moindre et moins d’audience (encore que), les chaînes classiques n’ont qu’à bien se tenir, compte tenu de la médiocrité des programmes qu’elles proposent la plupart du temps, séries comprises, puisque l’éternel mot d’ordre est de toucher le plus grand nombre. (Je place Arte en dehors car même si elle a évolué, elle reste de bonne qualité.)

Ces Web TV ont compris qu’Internet était le lieu idéal. Vous allez me dire, quid de l’idée de « social tv » ici ? Eh bien on trouve toujours des boutons de partage ou de « like » sous les vidéos, et même assez souvent un flux Twitter sur le côté. Et les internautes commentent de la même manière.

Aujourd’hui – surtout depuis le précurseur en la matière, j’ai nommé YouTube –, tout le monde peut créer sa chaîne, devenir, créateur, réalisateur, producteur, diffuseur… Les médias sociaux sont au cœur de la « social TV ». Les formats, les supports, tout change. Les plateformes de vidéos en ligne deviennent des télés, avec des accès gratuits ou payants.

Inversement, les radios, mais aussi les journaux de presse écrite – quotidiens ou hebdomadaires – ont également leur version numérique, qui sont de véritables plateformes à vidéos reléguant la notion même de « TV » au cimetière des éléphants !

Conclusion

imgresEn fin de compte, l’idée de social TV (ou social Radio) ne veut pas dire grand-chose. De nouvelles créations de format, d’interaction, de série (transmédia storytelling), de divertissement, où l’internaute donne son avis, voire décide de l’évolution de l’émission, sont totalement liées à la connexion en ligne quel que soit le support numérique. Le social oui, mais l’idée même de « TV » devient obsolète.

De multimédia, on est passé à Social Media qui regroupe tout. Et la télé devient un média social, comme les autres.

Dans ce terme « Social TV » dont la définition originelle (et le but) est d’enrichir les télévisions de contenu via d’autres canaux en impliquant davantage le public), nous avons la « TV », dont on voit bien la diversité des formats, mais également la notion de « social » qui sous-entend communauté, partage. Ce dernier se pratiquant directement via l’incontournable Internet.

Social TV ou pas, une chose est sûre : avec le développement des applications, le spectateur a changé de comportement. Plus encore, via ses réseaux préférés, il participe en donnant son avis, il agit, réagit et peut faire la pluie et le beau temps. Il veut toujours se divertir, mais entend participer davantage.

C’est le contenu, la forme des programmes et leur mode de diffusion qui seraient peut-être à repenser. Si les chaînes veulent capter Twittos et autres Facebookers, il faut aller les chercher là où ils se trouvent. À bon entendeur…

Lire mon billet parlant de social TV il y a un an.

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Un commentaire sur “Social TV : petit état des lieux

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