L’élégance des mots, une question de style

En cette fin d’année où les fêtes prêtent à rêver, j’ai envie d’aborder une notion qui me tient à cœur : l’élégance.

Il y a celle du style, de l’apparence, d’un comportement naturel, d’un geste, d’une posture, qui ne s’explique pas ; on la possède ou pas. Il y a l’élégance des choses, meubles, décors, objets design. Il y a surtout l’élégance des animaux – de l’oiseau jusqu’au cheval –, qui tous ont une élégance naturelle qu’on ne se lasse pas d’observer.

Et puis il y a l’élégance des mots…
Le flux incessant de phrases qui dévalent les autoroutes de l’information pour faire naître une logique, une idée, une démonstration, une information, une pensée, nourrit le tourbillon d’une langue riche. Une langue qui n’attend qu’une chose : que son façonneur lui fasse l’amour.

Le fond est une chose, la forme en est une autre. La manière d’aborder une transmission par écrit relève d’un minimum de maîtrise de sa composition, à la fois claire et fluide.

La diffusion digitale, avec d’un côté sa fugacité et sa profusion et de l’autre le manque de temps des lecteurs, exige aujourd’hui une certaine limite de longueur, empêchant toute envolée lyrique et détaillée à l’instar d’un style littéraire si bien exprimé par des Proust, des Châteaubriant ou encore des Victor Hugo.

L’autoroute au frein moteur

Le frein principal, venu contrecarrer des velléités d’originalité en termes de communication écrite, est la notion de SEO (Search Engine Optimization) ou optimisation d’un contenu pour les moteurs de recherche. C’est le caillou dans la chaussure d’une rédaction devenue web, caillou plus connu sous le nom de référencement, recherché comme le saint Graal. Un objectif commun, digitalement universel.

Comment continuer à offrir une lecture agréable lorsque le choix des mots tout comme la hiérarchie des phrases sont totalement sous-tendus par un phénomène extérieur, d’ordre plus algorithmique que poétique ?

Comment, par conséquent, prendre une autoroute en utilisant le « frein moteur », tout en restant élégant ?

Audace vs Standardisation

Une communication écrite destinée à un support imprimé présente une bien plus grande liberté comparée à une rédaction pour le web. Malgré cette latitude, il est triste de constater un manque d’audace persistant de ce côté-là.

Or, autant cette réserve peut se comprendre sur le plan digital, en vue de séduire avant tout les algorithmes déifiés du moment, poussant à une standardisation de la formulation pour espérer atteindre le plus grand nombre de personnes sur un plan purement visible – lesquelles ne seront d’ailleurs pas nécessairement séduites in fine… –, autant ce manque d’audace, de plus en plus perceptible dans les messages destinés à être encrés sur papier, est dommageable.

Est-ce là une forme d’autocensure – inspirée du web – face à une cible à laquelle on prête facilement et sans laisser place au moindre doute, un manque criant de vocabulaire, de culture ? La peur d’utiliser des mots « savants » ? Mais quels mots savants, à partir du moment où ils sont tous dans le dictionnaire ?

Marketing mon (dés)amour

Dans un contexte purement économique, et surtout dans ce paroxysme, le marketing n’est pas fait pour être élégant ; il est fait pour être efficace.
Il est donc difficile et rare de pouvoir marier les deux aspects. Du moins est-ce l’idée établie, renforcée par des contraintes à la fois temporelles et techniques.

La langue française, contrairement à bien d’autres, possède un mot pour toute chose et pour toute notion, concrète ou abstraite. Mieux, les synonymes abondent pour dire la même chose.

Mais la communication marketing utilise hélas toujours les mêmes mots, moulés par la crainte de passer à côté de son but. Paradoxalement, on lit partout qu’il s’agit de « se démarquer » face à la concurrence…

Je me souviens de mon premier cours de journalisme à la fin des années 80 : « Vous n’aurez besoin que de quatre cent mots de vocabulaire ! » Le but étant, en clair, de toucher le plus grand nombre, quel que soit le média, la qualité de la forme du message (en dehors de tout qualité du propos) étant réservée ici à des France Culture ou autre Revue des deux mondes…
> Quel mépris !

N’est-ce pas le général de Gaulle qui sortit un jour « les Français sont des veaux » ? (Expression que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de punchline.) Ainsi, pourquoi ne pas leur parler comme à des veaux, ou plutôt comme à des moutons ? C’est-à-dire comme à des incultes dont la seule action que l’on attend d’eux est d’obéir et de consommer.
> L’infantilisation est insupportable !

Vous vous demandez quel est le rapport avec l’élégance ?

Justement, bien parler, bien écrire, c’est aussi avoir l’élégance de respecter l’autre, lecteur, auditeur ou spectateur. Je reste convaincue que parier sur l’élégance des mots ne nuit aucunement à une communication, quelle qu’elle soit. Au contraire.
Entre marques populaires ou intimistes et marques haut de gamme voire très haut de gamme, au fond, tout est question d’audace.
Et il est faux, à mon avis, de penser que l’élégance est l’apanage d’une élite – notion si galvaudée de nos jours.

Originalité ou impact : pourquoi choisir ?

La question principale est celle-ci : dans une démarche uniquement et ouvertement marketing, peut-on concilier originalité et efficacité sur le web, en matière de rédaction ?

Bien sûr, le style ne sera pas le même si une marque a comme objectif de vendre un produit d’appel dans les meilleurs délais ou si elle souhaite pérenniser son image, dans le cadre d’une histoire. La stratégie sera « adaptée » comme on dit. Et l’emploi des mots et du style sera traité différemment.

Mais tout manque d’audace finit par tirer vers le bas et réduire le vocabulaire à une peau de chagrin, les marqueteurs arborant alors un visage plus proche de celui d’Attila que du Dalaï Lama.

Ce qui me réjouit un peu est le développement de l’approche appelée inbound marketing, ce marketing entrant qui laisse le client venir à soi de lui-même plutôt que d’aller le titiller et l’embêter avec des méthodes dont il connaît les ficelles et qui finissent par l’agacer, débouchant alors sur une contre-productivité.

En matière de création de contenu, cette pratique ouvre les portes beaucoup plus grandes à un renouveau de la prose, où les mots-clés redeviennent tout simplement des mots. On va écrire ou parler de manière plus naturelle, sans se soucier de l’impact immédiat. Une passerelle est alors tendue et entretenue, comme un tapis rouge, où l’élégance peut reprendre toute sa place, si on le désire.

Communication de marque et image élégante

mute-swan-97663_960_720
L’élégance est une notion abstraite relativement subjective liée à une certaine éducation et à une culture, à l’imprégnation d’une vision du « beau ».

Une communication élégante touche à l’harmonie. Il y a un plaisir visuel inconscient à regarder couler les phrases, équilibrées, chics. Voilà pour la présentation. Concernant les mots eux-mêmes, ils ont eux aussi un rôle prépondérant dans le ressenti du message.

Non, une marque n’est pas obligée de se vendre en racolant comme un vulgaire camelot, ancêtre du commercial*.

Mais attention, ce n’est pas parce que graphiquement, l’on choisira une typo élégante que le propos sera lui aussi élégant. C’est un tout, un style, un positionnement renforcé par une harmonie globale des trois aspects principaux d’une communication : le fond, la forme et la présentation.

Bien choisir ses mots

L’aspect d’un message, son habit et ce qui s’en dégage comme un parfum, est entièrement sous-tendu par le choix du vocable.

Dans le cadre d’un message qui sera lu sur un support de taille réduite, tel un Smartphone aux « règles » de contenu de plus en plus exigeantes  – phrases courtes, mini paragraphes, formulation express (wording), titres orientés –, comment une marque haut de gamme qui souhaite garder une image élégante, peut-elle se mouler dans ces exigences purement techniques ?

En choisissant ses mots.

Il est en effet possible de faire court tout en utilisant un style unique, composé de mots significatifs sans dénaturer la charte éditoriale de la marque. Rédiger sobrement demande ici un travail plus affiné, souvent plus long – car faire court demande du temps… – pour peu que l’on veuille ou que l’on doive éviter de tomber dans du simple marketing racoleur (pléonasme) dont toute la « valeur » de la forme consiste en un vocabulaire standard, moult fois reproduit par tous.

L’élégance qui fait la différence se trouve présisément dans le style. La richesse de la langue française est suffisamment conséquente et représentative pour parvenir à une « culture du message » soignée, compréhensible (il ne s’agit pas non plus d’utiliser un vocable inusité). La force de l’élégance réside dans la formulation simple mais efficace du mot juste. Et à la bonne place.

Oui, le français a toujours le mot juste. Aux rédacteurs (de tenter) de le trouver et de l’inscrire dans une phrase prête à couler comme le chant d’une rivière.

Pour cela, un rédacteur doit connaître et apprécier la marque qu’il représente, penser aux lecteurs, mais également posséder du temps ET un bagage culturel suffisant pour plonger dans une création pure, à la hauteur de l’image à véhiculer. Les mots ne sont plus vus comme des mots-clés (les meta descriptions s’en chargeront de toute façon), mais comme des vecteurs de rêve au service à la fois de la langue et de la communication.

Inutile de préciser qu’un texte de ce type doit être publié sans faute ni la moindre coquille.
N’ayez plus peur de transgresser les règles pour avoir du style !

fountain-pen-1854169_640

* Un article sur une posture commerciale qui se doit d’être élégante dans le domaine du luxe :
https://www.legrandblogdelavente.com/vendre-avec-les-codes-du-luxe-les-4-dimensions-de-lelegance-relationnelle-et-commerciale

 

Envie de partager ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.